RDC/Economie: 10 heures de marche, 50 kg de charge, la dure vie des porteurs de Bisie

Publié le par imagazine.over-blog.fr

© AFP
Un homme porte une charge de fragments minéraux issus d'une mine de cassitérite, située à environ 200 km à l'ouest de Goma le 12 avril 2010
© AFP/Archives Emmanuel Peuchot

BISIE (AFP) Visage grimaçant et transpirant, corps penché en avant, mains au front tenant la lanière du sac de 50 kg posé sur le dos: sur les 50 km du sentier en forêt reliant la mine de Bisie, dans l'est de la RDC, à la première route, les porteurs de cassitérite ont la vie dure.

Chaque jour, entre 200 et 450 sacs de ce principal minerai d'étain, utilisé notamment dans l'industrie électronique, partent ainsi à dos d'homme, depuis le carré minier jusqu'à Njingala, le village le plus proche disposant d'une route.

Les porteurs -ils seraient environ 2.000 selon les autorités locales- endurent 50 km de marche au coeur de cette forêt de la province du Nord-Kivu (est) sur un sentier chaotique, souvent jonché de racines et boueux. Ils franchissent collines, marécages et petits cours d'eau, par une chaleur étouffante ou sous une pluie battante.

Les plus vaillants font le trajet d'une traite en une dizaine d'heures. Les autres partent l'après-midi, dorment sur le parcours, et reprennent la marche tôt le lendemain.

Fiston Migabo, 23 ans, 1,55 m pour 65 kg, fait partie des costauds. Depuis trois ans, il sillonne la forêt ainsi lourdement chargé.

© AFP
Le plus grand camp près de la mine de Bisie, le 12 avril 2010 dans le nord Kivu
© AFP/Archives Emmanuel Peuchot

Un jour il monte à la mine avec de la nourriture, de la bière ou du matériel (casseroles, chaises, télévision, planches...), le lendemain il redescend chargé de cassitérite. Le programme est identique les deux jours suivants, avant un repos de trois jours à Njingala où il vit.

"Tant que le corps accepte, je le fais comme ça. Quand il pleut ou qu'il fait chaud c'est le plus pénible", explique à l'AFP le jeune homme qui compte arrêter "dans un an".

Pour la cassitérite (50 kg), dont il ne sait pas à quoi elle sert, il est payé entre 0,6 et 0,7 dollar (USD) le kilo, soit entre 30 et 35 USD le sac. Pour le reste c'est 0,4 à 0,5 USD le kilo.

Sur le sentier, c'est un va-et-vient incessant de porteurs. Ils déambulent par petits groupes ou bien seuls. Tous ont des bottes en caoutchouc, pas chères et adaptées pour aller dans la boue et traverser les cours d'eau.

Ils font des escales pour s'alimenter dans des petits villages-restaurants installés au milieu de la forêt, et où ils peuvent aussi dormir.

Sur le parcours, au milieu des porteurs de caisses de bières -pleines à l'aller, vides au retour-, des jeunes femmes pieds nus et sans chargement avalent les pentes presque en courant.

Au passage à côté de trois hommes qui font une pause, flotte une odeur de chanvre. En fin de journée, un porteur file vers Bisie avec un gros sac de cette plante posé sur sa tête, suivi de près par deux militaires en armes.

© AFP
Des fragments issus d'une mine de cassitérite à Bisie, le 12 avril 2010
© AFP/Archives Emmanuel Peuchot

La mine de Bisie et le sentier qui y mène sont tenus par des soldats de l'ex-mouvement rebelle du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), intégrés début 2009 à l'armée congolaise.

Les soldats tiennent plusieurs "barrières" et taxent tous les marcheurs à l'aller comme au retour, au tarif de 100 francs congolais (0,1 USD) le passage.

"Des coupeurs de route (voleurs) menacent les porteurs. Ces derniers ont demandé aux militaires d'assurer leur sécurité, en échange ils leur donnent de quoi acheter la nourriture", explique Sylvain Balengelisa, l'agent territorial de Bisie.

Le danger vient aussi des rebelles des Forces démocratiques de la libération du Rwanda (FDLR) et d'autres groupes armés qui se cachent dans les forêts alentour.

Et la protection des militaires n'est pas toujours suffisante. Début avril, des porteurs ont ainsi été enlevés par des hommes armés puis dépouillés de leurs biens, avant d'être relâchés.

Publié dans Economie

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article