Cameroun/Politique-Drame : Le décès qui embarrasse Laurent Esso

Publié le par imagazine.over-blog.fr

Vendredi, 23 Avril 2010 07:32 Le journaliste Bibi Ngota trouve la mort à Kondengui. Il avait été incarcéré avec d’autres confrères, suite à la plainte du secrétaire général de la présidence pour détention d’un document engageant sa responsabilité. Le Comité pour la protection des journalistes s’indigne.


Tristesse et désolation au quartier Mendong, à Yaoundé, lieu du deuil du journaliste en détention préventive, décédé hier, au bout du petit matin, à la prison centrale de Kondengui. Il s’agit de Germain Ngota Ngota, plus connu sous le nom de Bibi Ngota par les confrères. Il était le directeur de publication de l’hebdomadaire Cameroun Express. Sa mère, Georgette Edima, est inconsolable et soutient que son fils est mort faute de soins au quartier Kosovo, surpeuplé de la prison centrale de Yaoundé. « Je suis à Yaoundé depuis qu’on a arrêté mon fils. Il a passé assez de temps au parquet et il a été envoyé à Kondengui. Maintenant, c’est la mauvaise nouvelle, il est décédé en prison. »
 
Elle précise qu’en partant en prison, « on devait l’opérer. On a supplié les gens qui envoient les autres en prison. On a parlé. Il a même montré le dossier médical, personne n’a accepté. Depuis le jour de son incarcération, la maladie s’est aggravée, jusqu’à sa mort. Il avait l’hypertension et la hernie. Il ne pouvait pas résister en prison, parce qu’il était dans un sale quartier qu’on appelle Kosovo. Il dormait au sol et a chuté.»
 
Une lecture partagée par la sœur cadette du défunt, Thérèse Mbole Ngota. « J’ai vu mon frère pour la dernière fois mardi. On m’a dit qu’il était très malade. On devait l’opérer quand il a été arrêté. On a montré tout son dossier médical, en vain… Donc, il a rechuté et le médecin m’a dit, mardi dernier, qu’il fallait d’abord le remonter. Il a prescrit les remèdes qu’on a achetés. » Elle se dit très surprise par l’annonce du décès et, surtout, la brutalité des employés de la prison : «Une gardienne de prison m’a appelée, en demandant si je suis Embolo Ngota Thérèse, j’ai répondu par l’affirmative. Elle a dit votre frère Ngota Ngota Germain est décédé. Il faut venir le chercher très vite, avant midi. Si vous ne venez pas, on va le jeter là-bas, à Soa. On n’a pas de place ici pour le cadavre. »
 
Elle confirme qu’« il était malade et on l’a envoyé au quartier Kosovo où il y a une centaine de personnes par chambre. Il est hypertendu et souffrait d’une hernie. Son opération était pourtant programmée lorsqu’on l’a arrêté. On a donc tout fait pour qu’il change de quartier. » Pour cela, elle rapporte qu’on lui a demandé de l’argent : « Il faut donner 30 000 F CFa pour qu’il change de quartier, ce qui n’a jamais été fait. Je suis allée voir le régisseur avec la demande de Bibi Ngota qui voulait changer de quartier ; le médecin même avait signé sa demande que son état de santé ne lui permettait pas de rester au Kosovo. Et chaque fois qu’on voyait Bibi Ngota, il disait que si vraiment on ne lui change pas de quartier, il va mourir… »
 
La nouvelle attriste les confrères. Comme en témoigne Félix Cyriaque Ebolé Bola du Snjc : « Le Syndicat national des journalistes du Cameroun a appris avec effroi, le décès en prison de M Bibi Ngota, ce décès survient à la suite d’un certain nombre de maltraitance subis par ce monsieur à la Direction générale de la recherche extérieure, ça survient également après un certain nombre d’interventions de la famille et des avocats qui ont souhaité qu’on puisse lui prodiguer des soins… Rien n’a été fait. Nous considérons que c’est extrêmement grave. » Une action est envisagée : « En prélude à la journée internationale de la liberté de presse, toute la confrérie devrait porter le brassard noir. Nous sommes en train de lancer une pétition pour inviter le gouvernement à dépénaliser les délits de presse.»
 
 
 
Entre-temps, les autres journalistes emprisonnés, Robert Mintsa et Sabouang, respectivement directeur de publication de Le devoir et de La Nation, restent en détention préventive. On leur reproche la détention d’un document confidentiel impliquant Laurent Esso, le secrétaire général de la présidence de la République (Sg/Pr). Ce document, qui serait daté du 20 juin 2008, serait « une instruction donnée par M. Esso à l’administrateur - directeur général de la Société nationale des hydrocarbures (SNH), Adolphe Moudiki, de payer une commission globale de 1,342 milliard F CFA à MM. Dooh Collins, Antoine Bikoro Alo’o et Dayas Mounouné, respectivement consultant, directeurs généraux du Chantier naval et du Port autonome de Douala, la métropole économique. Cette somme représente des « frais de commission » dans le cadre de l’acquisition d’un bateau-hôtel par la SNH, dont le président du conseil d’administration n’est autre que le SG/PR » Par François Xavier EYA   
 
Réaction
Le CPJ rend le gouvernement camerounais responsable de la mort d’un journaliste
Le Comité pour la Protection des Journalistes émet la déclaration suivante suite au décès ce matin du directeur de publication de l’hebdomadaire Cameroun Express Bibi Ngota, qui était incarcéré dans une prison de la capitale Yaoundé depuis février dernier. Ngota, qui avait été arrêté avec deux autres journalistes enquêtant sur des allégations de corruption impliquant un haut conseiller présidentiel, était souffrant et est décédé de manque de soins.
« Le CPJ est indigné par le décès de Bibi Ngota et exprime ses plus sincères condoléances à sa famille et à ses collègues », a déclaré le directeur de la section Afrique du CPJ, Tom Rhodes. « Le CPJ rend les autorités camerounaises directement responsables de la mort de Ngota, qui s’est vu refuser un traitement médical approprié en détention. Nous demandons une enquête immédiate sur les circonstances de sa mort et l’assurance que trois autres journalistes en prison bénéficieront d’un traitement médical adéquat ».

Publié dans Politique

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