Cameroun/Culture: L'Enigmatique ANANI Binzi Rabier de Canal2 International

Publié le par imagazine.over-blog.fr

Ananie Rabier Bindji retourne au tribunal le 13 avril prochain. En compagnie d’autres confrères.Le journaliste de Canal 2 International est poursuivi pour « commentaires tendancieux, violation du secret professionnel et complicité » sur l’affaire Albatros dans une émission de télévision.  L’homme a déjà son verdict à lui : «Je suis serein. S’ils veulent m’envoyer en prison, j’irai en prison. J’y suis préparé. Je suis conscient de n’avoir pas commis de faute. Si je suis condamné, je ne ferai pas appel ». Ça ressemble au personnage. Ce genre de formules à l’emporte-pièce matinées de la bonne dose de dramatique ou de tragique qu’il faut. Dans tous les cas, Ananie Rabier Bindji, tel un Jean Sans Peur, fait toujours montre d’une assurance à toute épreuve, d’un imperturbable cran d’une impavidité éprouvée. (Le Jour)

ananieComme on dit prosaïquement chez nous, « il sait sur quoi il compte ». Et cela ne surprend pas davantage. Ananie Rabier Bindji passe pour être un de ces journalistes au bras long, au carnet d’adresses bien fourni et à qui il ne peut donc rien arriver. Voilà quelques années qu’il présente une émission très courue sur les antennes de Canal 2 International, « La Tribune de l’histoire » (voir acquis). Le programme connaît un certain succès sans doute parce qu’il a, depuis ses débuts, abordé des pans peut-être occultés de l’histoire du Cameroun et de l’Afrique. Comme la chaîne qui la porte, l’émission a les faveurs d’un public qui, depuis longtemps, veut voir et entendre autre chose.

Comme par hasard, Ananie Rabier Bindji, solide papy qui ne fait pas ses bientôt 68 ans, a le bon profil pour fouiller dans les arcanes et les méandres d’un passé qui n’est toujours pas tout à fait passé. Il en sait tant et tant que les téléspectateurs, même ravis d’en apprendre un peu, sourient de voir si souvent Ananie Rabier monopoliser la parole, raconter lui-même des événements pour lesquels il est allé quérir les bonnes personnes ressources pour ce faire. « Pourquoi il ne les fait donc pas tout seul, ces émissions, s’il est si « Sabitou ? » Peu importe, il en sait beaucoup. Beaucoup trop ? Peut-être bien et les procès de tendance ne manquent pas. Un bonhomme qui en sait autant est lui-même suspect. Comment sait-il tout ça ? « Bof, c’est un espion », éructent, vengeurs, les uns. « C’est une crapule », sifflent, venimeux, les autres.

Jeune Afrique
Pourtant, la vérité, que les détracteurs ne se gênent pas pour contester, est que Ananie Rabier Bindji est tout bonnement journaliste. De la cuvée des premières plumes de la presse panafricaine à Paris. « Jeune Afrique » dès le milieu des années 60. « Africa International », « Afrique Asie », etc. D’accord, on ne l’a pas lu autant qu’un Sennen Andriamirado, d’une Marie Roger Biloa ou d’un Simon Malé. Il n’empêche, il était bien à leurs côtés près de trois décennies durant. Sur les murs de sa demeure, plusieurs photos avec de nombreux chefs d’Etat africains attestent en tout cas que, dans le cadre de son travail de journaliste, il a parcouru le continent et fréquenté les ors et les lambris de bien de palais nationaux. On le voit ici avec la première dame de Côte d’ivoire. Là, à tu et à toi avec les présidents gabonais Omar Bongo Ondimba et Ali Ben Bongo Ondimba. Plus loin, on le voit avec le chef de l’Etat sierra léonais Siaka Stevens ou avec le président libérien William Richard Tolbert Assurément, ces soupçons et ces accusations font mal au père Ananie. Maintenant réduit à se justifier et à apporter des preuves d’un vécu que l’on croit bidonné.

Non loin du carrefour du grand baobab, au fin fond de Bonaberi, à Bonambappe, se dresse un charmant duplex à l’architecture des années 70-80. Autour, des villas de la même eau, mais aussi de vieilles maisons du temps de la colonisation, habitées par les natifs de l’endroit. Le père Ananie nous attend. Une pile de journaux écornés, de photographies vieillies, de lettres jaunies et d’autres documents s’impatiente sur un coin de canapé. Le maître des lieux, occupé à donner des instructions à deux ou trois tacherons, dans une langue douala légèrement teintée d’un accent « yawondè », empoigne les documents. Pour nous montrer le manuscrit d’un livre à paraître bientôt. « Une bombe », menace-t-il. Et le voilà qui raconte… Houphouët, Ahidjo, Biya, Bongo, Sassou Nguesso, etc. Et les anecdotes, comme il les aime, abondent. Souvent invraisemblables, elles ne manquent pourtant pas de détails croustillants. Qui illustrent la bonne mémoire de cet homme qui en a une d’éléphant : les noms, les dates, les lieux. Ananie Rabier Bindji a très souvent la dent dure contre bien des gens, ceux qu’ils accusent de vouloir cacher la vérité et de lui en vouloir de savoir tout ce qu’il sait. Une vraie bibliothèque.

Ananie Rabier Bindji est né le 6 septembre 1942 au marché de New Bell à Douala, d’une maman ménagère et d’un « illustre ignorant », son père qui, pour cette raison même, l’affuble de « noms de Blanc ». Ananie Rabier, tout de même. Un fils unique curieux, touche à tout et turbulent dont les parents craignent qu’il ne s’en sorte pas. A l’époque déjà, rien de bon ne sort de New Bell. Une éducation à la dure. Les séances de bastonnade parentales s’accompagnent de piment dans les yeux et de mains ligotées. Croyants, papa et maman veillent et ont même cédé leurs terrains pour la construction de l’église du coin. Le père était parti de son Nkol Ngbana natal, tout près de Saa, dans la Lekié, pour travailler dans les plantations de l’Ouest et du Littoral.

Brazzaville
Le jeune Bindji va à l’école primaire catholique de New Bell, à Saint Jean Bosco de Bondaibong puis au collège Libermann. Avec les Stanislas Melone, Samuel Nelle et autres Antoine Lobè. « Ceux qui disent aujourd’hui que tout était gratuit à l’époque mentent. On louait les livres 750 francs l’année. On les couvrait, on y écrivait nos noms au crayon puisqu’il fallait les rendre. Il n’y avait pas plus de 40 bacheliers en ce temps-là. » En classe de 5è, l’élève Ananie Rabier interrompt ses études à Libermann. Reçu au concours d’entrée de l’école militaire « Général Leclerc » de Brazzaville, capitale de l’Afrique équatoriale française (Aef). En même temps que deux autres Camerounais, Célestin Mveng et Célestin Asseng Ekanga. « Je voulais faire l’armée, être pilote notamment et surtout sortir du Cameroun ».

L’étape congolaise est capitale. Là, Ananie côtoie la plupart des futurs dirigeants des pays de l’Aef, en formation à Brazza, l’incontournable en ces temps-là : les Albert Bernard Bongo qui jouait alors au basket ball, les Kamougue, Maloum, Bokassa et autres Marien Ngouabi. Ce dernier est d’ailleurs le parrain de Ananie comme le voulait la tradition de l’école. Seulement, à la suite d’un mouvement d’humeur chez les élèves, les bahuts sont fouillés. On tombe alors sur une lettre que Jean Marie Manga, upéciste camerounais installé dans la place forte de Accra au Ghana, avait envoyée à Ananie. Parbleu ! Le ver est dans le fruit. Des futurs militaires français en relation avec des communistes… Quelques années plus tôt, Jean Marie Manga, voisin des Bindji à New Bell, avait fait de Ananie l’un des premiers vendeurs à la criée d’une publication de l’Union des populations du Cameroun. « Je suis alors entré à l’Upc comme on entre dans les ordres », se souvient Ananie. A travers un réseau extraordinaire, les deux amis avaient conservé des relations épistolaires.

Mais pour les autorités, c’est un peu fort de café. L’école est dans un premier temps fermée, et Ananie, renvoyé à ses parents en bonne et due forme. Le certificat de renvoi que la patine des ans n’a pas abîmé existe bien que Ananie nous montre avec une certaine nostalgie. Un avion militaire le ramène au Cameroun. Après quelques jours de détention, Ananie trouve du travail chez Bata avec le soutien du recteur Bonneau du collège Libermann. Le salaire de 25 000 francs Cfa qu’il touche une fois lui paraît bien insuffisant. Quelques aînés lui trouvent un peu d’argent, 80 000 francs, pour l’aider à partir à l’aventure. Il est fait pour ça.

Omar Bongo Ondimba

Ananie met le cap sur Accra où l’Osagyefo héberge tous les révolutionnaires africains pourchassés. Il espère une bourse russe, roumaine ou cubaine et y découvre hélas que les leaders upécistes camerounais ne se sont pas défaits des atavismes du pays. Chacun s’occupe de « ses frères du village ». Ananie « trace » à Abidjan en Côte d’Ivoire. Un temps plongeur dans un hôtel de la place, il emprunte bientôt le bateau pour Marseille où il arrive le 22 octobre 1962. Ce sera ensuite Paris où il était déjà venu trois ans plus tôt pour un 14 juillet. Bientôt auditeur libre au Centre de formation des journalistes (Cfj), l’aventurier se découvre une vraie passion pour le journalisme. En novembre 1966, Béchir Ben Yahmed le recrute à Jeune Afrique pour, quelques mois plus tard, le muter à Abidjan comme directeur régional adjoint. Il y seconde Youssef Zarouck. Après avoir occupé le poste de directeur régional, Ananie Rabier revient en France en 1973. Il reste dix ans dans la maison avant de s’en aller en 1983. C’est que, se plaint-il, « Siradiou Diallo avait pris fait et cause pour Ahidjo, son frère peul » alors que lui, Ananie souhaitait « un traitement plus équitable de la crise que traversait alors le Cameroun ».

Le journaliste démissionnaire va voir ailleurs et lie une relation solide avec le président gabonais. C’est lui qui propose à Omar Bongo Ondimba de nouer des contacts avec le père Mba Abessole. Trois ans plus tard, le pire opposant au régime de Libreville pose aux côtés de Omar Bongo au palais du bord de mer. Ananie Rabier avec eux. Il crée même brièvement un journal, « La Presse de la Nouvelle Afrique » interdit au Cameroun, travaille dans les assurances aux côtés de Protais Ayangma, repart en France avant le retour définitif. Celui qui l’a posé à Bonaberi où il s’occupe de ses fleurs, de ses chiens et des poissons de son aquarium. Divorcé, Pa Anani, comme l’appellent ses voisins, vit avec quelques proches parents dans une aisance visible. Tout va bien pour le sexagénaire qui se paye 10 kilomètres de marche chaque jour. Bon pied bon œil, il ne montre aucune faiblesse. Sauf que, « mon dernier fils ne m’a même pas envoyé un mot quand j’ai perdu ma mère ». Le père Ananie perd alors de sa superbe. La voix est comme étranglée par une douleur insupportable. Et inacceptable chez un homme de cet âge. C’est trop dur. Le reporter détourne le regard. Pour tuer la larme qui monte.

Cv

26 août 1956 : entrée à l’école militaire de Brazzaville.
Février 1962 : départ pour Accra.
5 septembre 1981 : mon mariage, la plus mauvaise chose que j’ai faite dans ma vie.
Ce que j’aime : être avec les gens. Je joue au ludo et aux dames, parfois du soir au matin.
Ce que je n’aime pas : les gens qui en sont pas objectifs, que l’on m’attribue ce que je n’ai pas fait. Tout ce qui est excessif est dérisoire.
Mes lectures : Plus de journaux que de livres. En ce moment quand même, je lis « Chaque pas doit avoir un but » de Jacques Chirac.
Mes musiques : Pour avoir vécu un peu à Brazzaville, je suis très porté sur la musique congolaise avec Tabu Ley Rochereau, Mbilia Bel, Kabasele. Chaque chanson d’eux est une poésie.
Mes films : du cinéma d’action.
Mes amis : aujourd’hui, je ne crois pas en avoir. Je suis leur ami, ils ne sont pas les miens.


Abodel Karimou, ami et journaliste à la retraite : «Il est entier»
Les circonstances de la vie ont fait que nous grandissions dans des villes différentes. Moi je suis né à Eseka, lui à Douala. Nos mamans se sont rencontrées à Douala sans que nous nous connaissions. Ce n’est que quand je viens m’installer à Douala que nous faisons connaissance. Nous nous connaissons depuis les années 60. Et nous avions des relations très suivies. C’est un homme qui a été fait pour aller à l’aventure hors de son pays. Ça lui a porté chance. Il en a acquis beaucoup d’expérience. Tout ce qu’il fait aujourd’hui dans la presse, il le doit à cette expérience acquise loin d’ici. Et puis, il a quand même eu un parcours assez typique : une formation militaire puis le militantisme politique parce que c’est un upéciste, contrairement à ce que les gens racontent. Je dirais même que c’est un upéciste de la première heure. Il s’est retrouvé dans plusieurs journaux panafricains et a contribué à ce qu’ils soient connus dans notre sous région d’Afrique centrale. Qu’il ait eu de bonnes relations avec de hauts dirigeants africains est indéniable et il a pu, avec eux, assainir certaines situations politiques. C’est le cas pour le Gabon où il a facilité le dialogue, à l’époque, entre Omar Bongo et son opposition. Il a joué un rôle déterminant. On n’est pas forcément journaliste pour devenir les ennemis des hauts responsables. C’est un homme entier et pour moi, c’est un héritage atavique qui a à voir avec ses origines camerounaises. Dans la région dont il est issu, les gens sont entiers : ou on est pour ou on est contre. Quand il est contre, il vous le dit sans complaisance. Quand il vous soutient, il le fait de la même manière, avec beaucoup de passion. C’est peut-être cela son grand défaut et ça l’amène à des excès. Souvent, lui et moi nous nous brouillons et ne nous voyons pas pendant une ou deux semaines. Il peut faire figure de modèle pour les générations d’aujourd’hui dans la mesure où il est resté fidèle à une profession avec ses hauts et ses bas. Il a su s’y adapter et il continue à pratiquer. Il fait des recherches pour ses émissions même s’il peut orienter ces recherches. Rien à voir avec les jeunes journalistes qui ont tendance à tout bâcler. Vous n’avez qu’à voir ses émissions.

Paul Mahel, collaborateur et rédacteur en chef Canal 2 : «Il supporte mal la contradiction»
Contrairement à l’image que j’en avais avant d’arriver à Canal 2 International, c’est quelqu’un que l’on ne connaît pas. Tant que vous ne l’avez pas approché, vous ne le connaissez pas. La première chose qui m’a marqué, c’est que c’est un homme de coeur. Il est d’une très grande générosité sur tous les plans. Il est toujours prêt à partager son expérience et même sur le plan matériel, il est toujours prêt à partager. L’autre chose qui peut être considérée comme un défaut chez lui, c’est qu’il supporte très mal la contradiction surtout quand il est sûr de son fait. Professionnellement, je considère en effet que ça peut être un défaut. Un journaliste devrait en effet être plus ouvert, plus réceptif aux avis et aux critiques des autres. Parfois, on a l’impression qu’il veut avoir absolument raison sur tout. Mais ce qui me fascine surtout, c’est qu’au-delà de son intelligence, c’est quelqu’un qui a beaucoup de bon sens et de jugeote. C’est une qualité qui lui permet d’anticiper sur beaucoup de situations parce que bien des fois, il voit des choses avant qu’elles n’arrivent. Les bruits qui courent sur lui viennent de ce que c’est quelqu’un qui est assez bien introduit dans des cercles de pouvoirs de bien des pays d’Afrique centrale. Avant d’arriver à Canal 2, je pensais qu’il bluffait sur bien des sujets. Je me suis rendu compte que c’est quelqu’un de très introduit, qui a les numéros de téléphone directs de bien de Premiers ministres d’Afrique centrale, qui est à tu et à toi avec eux. Quand vous entretenez de telles relations avec de tels personnages, des gens vont forcément penser que vous avez d’autres activités en dehors du journalisme. Et puis, il ne faut pas oublier qu’il a travaillé dans la presse panafricaine, généralement très cotée chez les dirigeants africains.

Acquis : Une histoire camerounaise

Le journaliste de Canal 2 International consacre une émission documentée au passé de notre pays et de l’Afrique.

Si Ananie Rabier Bindji est fier de quelque chose, c’est bien de « La Tribune de l’histoire ». C’est presque son sujet de conversation favori. A brûle-pourpoint, il vous demandera si vous avez regardé l’émission qu’il a consacré à tel sujet, à telle personnalité, à tel événement. Lui-même reçoit de nombreux témoignages de satisfaction, des félicitations ou des encouragements. Mais pas seulement. Il y a des grincements de dents aussi. Ananie Rabier Bindji s’aventure en effet sur des terrains que pas grand monde n’explore. L’histoire du Cameroun en particulier semble faite de tabous qu’il ne viendrait pas à l’idée du premier journaliste de transgresser.

Ananie ne se gêne pas et donne l’impression, non pas simplement d’avoir été témoin de bien des faits, mais d’en avoir carrément été un acteur. Il fait alors preuve d’une certaine audace et ne craint pas d’aller fouiller dans les annales du nationalisme camerounais, les secrets de la colonisation française, le maquis à l’Ouest Cameroun, la disparition de l’ancien président Ahmadou Ahidjo, etc. Ces temps-ci, Ananie n’arrête pas de commenter les suites d’une émission sur les origines de l’ancien chef de l’Etat. Pour ce faire, il a dû se rendre en Afrique de l’Ouest. Et c’est toujours ainsi. Ananie se retrouve bien souvent dans des coins perdus pour retrouver les traces de personnages, témoins de premier plan ou non des faits qui intéressent le journaliste historien.

Pour une raison au moins, Ananie Rabier Bindji peut se permettre de remuer l’histoire. Il a souvent côtoyé ceux qui l’ont faite ou rencontré des gens qui, d’une manière ou d’une autre, ont joué un rôle dans la marche de nos pays. Il en montre des facettes souvent méconnues ou insoupçonnées. Comme, croit-il, il y a des gens qui n’ont pas intérêt à ce que l’histoire, la vraie, soit connue, « ils me craignent ». Ananie Rabier Bindji se vante de ramener à la surface ce que bien des acteurs croient avoir noyé pour toujours. Et la polémique n’est jamais loin. On l’accuse d’être partisan et de relater cette histoire à l’aune de ses propres convictions. L’homme se vante d’ailleurs d’être un upéciste.

Peu lui importe en tout cas qu’on lui adresse des critiques. Il préfère largement la sympathie des téléspectateurs qui se recrutent aussi parmi les hommes politiques camerounais. «C’est ma contribution au développement du cameroun. Et vous devez savoir que je finance moi-même mes émissions. Souvent, je tends la main à mes amis pour faire ce travail». Il faut quand même savoir que «La Tribune de l’histoire» est à l’origine une émission de radio française. Consacrée à l’histoire, elle était présentée par Alain Decaux, André Castelot et Jean-Claude Colin-Simard et quelques autres entre 1951 et 1997.

Libres propos

C’est dans le cadre de mon métier que j’ai rencontré tous ces chefs d’Etats et personnalités. J’ai par exemple connu Laurent Gbagbo quand je travaillais à Afrique Asie. Quand il avait des problèmes à Abidjan, il venait toujours frapper à notre porte. Comme Afrique Asie était perçu comme le journal des opposants africains, on lui ouvrait toujours nos portes… Il y avait à Paris une dame qui tenait un bordel et qui disait que dans la vie, il fallait tout faire avec art et sérieux. J’ai fait pareil. C’est comme cela que j’ai pu gagner ma vie. Aujourd’hui, je gagne 400 000 francs Cfa à Canal 2, personne ne le croit dans ce pays. J’ai choisi Canal 2. J’ai un but, laisser quelque chose aux Camerounais. Il faut avoir un idéal dans la vie. Si je ne laisse rien aux Camerounais, je n’aurais rien fait. C’est pour cela que je ne recule pas devant les sacrifices… On peut dire que j’ai eu de la chance à chaque fois d’être au bon endroit et au bon moment. Je me souviens de ce qu’une fois j’ai déjeuné avec l’ancien président libérien Tolbert. Quelques heures après, il était assassiné et j’ai vu son corps traîné dans une charrette…

Les gens de Crtv qui me craignent et passent le temps à m’insulter viennent me voir aujourd’hui. Ils doivent produire des émissions sur le cinquantenaire de l’indépendance et m’appellent. Les Camerounais sont comme ça. Quand tu le dépasses, il faut qu’il t’insulte pour se consoler… Je n’ai pas ma place ici. J’aime beaucoup le Cameroun mais il ne me l’a pas rendu. Je n’aime pas vivre en France et je ne peux pas y vivre. A un moment, quand on ne te rend pas un peu de ce que tu as donné… Nous sommes des humains. Dieu pardonne tout parce qu’il ne souffre pas. Si je te donne un coup de couteau, tu auras mal. Je passe sur la route et on me montre du doigt. Que l’on attaque les gens avec la vérité, pas avec le mensonge. Quand quelqu’un écrit que tout ce que je faisais en France, c’était de livrer les opposants aux dictateurs africains, est-ce que c’est honorable ? Ce n’est pas vrai. Et ça me fait mal parce que ce n’est pas vrai… Le Cameroun est un pays béni des dieux. On a annoncé la pose de la première pierre de l’usine à gaz de Aes Sonel à Kribi. Elle coûtera 170 milliards de francs Cfa. Le port de Kribi, Lom Pangar… Ce pays est béni et ça marchera. Il y a eu des balbutiements mais ça marchera. Est-ce que, vous-même, du fond de votre cœur, vous pensiez tout ce que nous vivons là possible ?

Vous n’êtes pas surpris par tous ces travaux que l’on lance ? Moi, je n’y croyais pas… Je suis très acerbe à l’égard de la presse camerounaise. Les gens choisissent la facilité. Je les comprends. Quand j’étais à Jeune Afrique, il y avait au maximum vingt Noirs dans la presse en France dans les années 60. On avait automatiquement la notoriété. On ne la recherchait pas. Elle était là. Aujourd’hui, vous êtes obligés de la rechercher à travers des actes négatifs et en proclamant que vous n’avez pas fait vœu de pauvreté… J’aurais voulu être incinéré à ma mort. Comme nous n’avons pas des structures pour ce faire ici, je souhaiterais être enterré dans la fosse commune au cimetière du bois des singes. Pour retrouver les gens avec lesquels j’aime être. Très vite et sans rien, sans corbillard, sans discours. J’ai pris des dispositions pour cela. »

Publié dans Culture

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