Roland Portella: “Les pays africains ont besoin aujourd’hui d’avoir des industries modernes et non pas seulement de simples usines d’assemblage”

Publié le par imagazine

“Bâtir des industries modernes et compétitives en Afrique”. C’est le thème d’une conférence internationale organisée à Paris le 29 avril prochain. A l’approche de ce grand événement, nous avons demandé à Roland Portella, président de de l’organisation CADE (Coordination pour l’Afrique de Demain), l’un des initiateurs du forum, les raisons du choix de la capitale française. Réponses.

Pourquoi un forum de l’industrie africaine à Paris? Qu’est-ce qui a dicté ce choix ?

La raison première est purement pratique: notre siège est basé à Paris. Nous aurions voulu organiser un tel événement dans une ville africaine, mais cela multiplierait par 3 les charges à effectuer. Notamment pour faire déplacer des personnes car, comme vous le savez, -nous touchons là à une problématique de fond- il n’est pas aisé de relier les villes africaines. Il y a des progrès à réaliser en terme d’infrastructure, d’intégration et d’offres des secteurs du transport aérien en Afrique pour relier une capitale africaine à une autre. Si l’on avait tenu ce forum dans une capitale africaine, cela exigerait pour certains participants de prendre 2 correspondances avec des escales éprouvantes, alors que beaucoup de capitales africaines sont reliées à Paris par des vols directs et quotidiens.

La deuxième raison expliquant ce choix est d’ordre stratégique. Il est vrai que les acteurs économiques africains se tournent de plus en plus vers des partenaires d’Asie, du Moyen Orient et d’Amérique Latine; ce qui est à encourager. Mais nous remarquons aussi, au niveau de l’Europe, un regain d’intérêt pour le développement économique de l’Afrique, notamment auprès des nouveaux chefs d’entreprises qui cherchent à réaliser des partenariats équilibrés avec des entreprises africaines pour saisir des opportunités d’investissement, notamment dans le milieu industriel et dans les services aux industries.

Ces entreprises moyennes, qui souffrent d’une croissance en berne en Europe et font face à une montée des coûts d’entrée et de production en Asie, ont des potentiels technologiques considérables et cherchent à les valoriser en créant du business avec des entreprises africaines. Bien plus, cette nouvelle génération d’entrepreneurs européens est psychologiquement prête à transférer son savoir-faire en terme de création d’écosystème et de production technologique et industrielle en faveur des entreprises africaines afin que celles-ci puissent créer leurs propres technologies du futur.

-Qui sont les organisateurs et les partenaires de ce forum?

Les organisateurs sont la division économique de l’organisation CADE (Coordination pour l’Afrique de Demain) que j’ai l’honneur de présider. Nous avons réalisé depuis deux ans un cycle de rencontres économiques sur la valorisation et la transformation des potentiels de l’Afrique en richesses réelles. Nos analyses ont démontré que sans industrialisation et un minimum de transformation industrielle sérieuse, il serait illusoire de croire à une pérennité des croissances économiques africaines. C’est donc la raison de ce forum qui va traiter en fond de la réalité des potentiels industriels dans certains pays africains et surtout des stratégies à adopter aussi bien par les institutions publiques que par les entreprises africaines afin de créer et de structurer des filières industrielles de croissance.

C’est la raison pour laquelle, le Centre de développement de l’OCDE parraine institutionnellement cette rencontre, ayant l’expérience des analyses économiques sur l’Afrique et de la problématique du développement industrie. Par ailleurs, la banque internationale Afreximbank basée en Egypte mais qui opère dans plusieurs pays africains, va certainement davantage proposer à ses partenaires des solutions financières pour le commerce réalisé par des entreprises industrielles africaines. Egalement parmi nos soutiens, Herbert Smith Freehill, le cabinet international d’avocats d’affaires qui a une solide expérience dans le conseil à forte valeur ajoutée pour les entreprises industrielles dans leurs opérations de développement de projets, de fusions-acquisition, de levée de fonds, de création d’écosystème de production intégrant des dispositifs de RSE.

-L’Afrique réalise une forte croissance depuis l’an 2000. Quid de l’évolution de son industrie?

Dans la majeure partie de l’Afrique, et à de rares exceptions près(Afrique du Sud, Nigéria, Maroc), les secteurs industriels restent faibles en terme de création de valeur et de création d’effets induits. Beaucoup de filières sont à réorganiser ou à organiser, à structurer afin que l’on puisse avoir une lisibilité sur les différentes chaînes de valeurs. La vraie question est de savoir comment davantage faire émerger de leadership industriel des entrepreneurs et des institutionnels? Comment peuvent-ils créer des écosystèmes de production industriel fiables? Il faut donc accélérer les productions industrielles locales, car les potentiels des marchés nationaux et régionaux africains existent. Il y existe d’énormes gisements d’emplois. De nombreux emplois indusrtiels ne sont pas pourvus par exemple des techniciens supérieurs en électro mécanique, obligeant certaines entreprises à faire venir du personnel de l’étranger. Les pays africains ont besoin aujourd’hui d’avoir des industries modernes et non pas seulement de simples usines d’assemblage , mais à condition de trouver les stratégies et les solutions pratiques leur permettant, dans un univers des affaires mondialisé, de rester compétitifs sur le moyen et long terme.

D’où l’intérêt de notre forum qui livrera des recommandations pratiques pour les institutionnels et les hommes d’affaires qui veulent créer des industries, les organiser ou leur trouver des partenaires stratégiques et des capitaux. Le forum mettra en lumière les secteurs industriels porteurs en se projetant dans les 10 à 20 ans à venir. Pour les pays comme l’Afrique du sud, le Nigéria et le Maroc, il s’agira de mettre en exergue les potentiels et secteurs industriels du futur ou de nouvelles générations .

Propos recueillis par la Rédaction de Financial Afrik

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